NIXEMIAH • Once Upon A Time

Once Upon A Time

NIXEMIAH

Elle laissa ses doigts courir sur les troncs d'arbres. Ce ne sont pas ceux d'En-Dessous ni même ceux de son Irlande natale, sa très chère Irlande qu'elle n'avait pas revue depuis tant de décennies mais elle les aime quand même. Ils sont anciens, très anciens. Ils ont des millénaires d'histoires à raconter. Elle les écoute d'une oreille attentive, elle aime tellement les entendre lui parler. Ils lui content des histoires d'amours qu''elles soient heureuses ou malheureuses, cachées ou non. Ils lui racontent les différentes guerres qu'ils ont vus passer sous leurs yeux. Des histoires d'amitié forgées dans le sang, l'amour et les années. Elle traverse les bois comme si elle n'existait pas vraiment, comme si elle n'était qu'un rêve illusoire, un fantôme errant, une silhouette éthérée. Elle porte une longue robe blanche et presque transparente, ses pieds nus foule le sol et ses longs cheveux bruns s'envolent délicatement dans son dos. Elle n'ai ni vraiment dans ce monde, ni vraiment dans un autre, elle est entre les deux, elle voyage, elle est présente physiquement seule. Elle ne sait pas vraiment pourquoi elle est revenue ici, dans ces bois hantés par la guerre et déserté par les Fées. Ce bois si solitaire, si triste depuis la Grande Guerre ayant opposée les Chasseurs d'Ombres les uns contre les autres. Huit siècles qu'elle foule cette terre, elle a vu tellement de choses, en a vécu tellement d'autres. "Il est revenu ... Il est revenu ..." lui soufflèrent les esprits de la Nature. Nixie ferma les yeux en souriant doucement.

Ca fait presque deux siècles qu'elle ne l'a pas vu. Même pas croisé. Elle a vaguement apprit qu'il s'était ligué contre l'Enclave. Elle n'a pas compris. N'a pas vraiment cherché non plus. Elle était à l'autre bout du monde à cette période là, occupée à autre chose. Elle aurait peut-être du revenir. Peut-être qu'alors il n'aurait pas rejoint le Nouvel Ordre. Oh elle savait qui il était, elle savait tout sur lui. Mais il était vrai que parfois elle disparaissait de la surface de la terre pour retourner dans son monde. Ses parents lui apprenaient chacun leur tour à diriger un royaume. Il y avait d'abord le royaume de sa mère, la Cour des Seelies. Un royaume ensoleillé, tourné vers la lumière, les fêtes, les dons, un royaume qu'elle appréciait beaucoup mais qui parfois était trop extraverti, trop optimiste, trop doré pour elle. Il regroupait tout le bon côté des contes; les fées marraines, les douces nymphes des bois et les magnifiques naïades, les fées des saisons, la brownie gardienne d'enfant, les fées des jardins et toutes les créatures plus ou moins adorables. Et puis il y avait le royaume de son père, la Cour des Unseelies. Les plus facétieux, les plus détestables, les plus vicieux, les plus cruels. Ce n'était pas un mauvais royaume mais c'était là où on retrouvait tous les contes des mauvaises fées, des lutins qui perdait les voyageurs et des ogres qui mangeait les enfants. C'était un royaume plus sombre, moins optimiste, plus introverti, plus dangereux aussi. Il fallait savoir les tenir d'une main ferme dans un gant de velours si on ne voulait pas qu'ils rasent la surface de la Terre. Ils avaient tous beaucoup perdus avec l'arrivée du fer et de la religion chez les hommes.

Elle se souvenait parfois de la morsure du fer sur sa peau pâle et délicate. C'était il y a des siècles, au tout début des grandes croyances et chasses aux démons par les Terrestres. Elle s'était fait attrapée alors qu'elle se baignait dans son lac. Ils l'avaient attachées avec du fer qui l'avait brûlé et avait brigué ses pouvoirs. Et puis Il avait débarqué comme un chevalier blanc, sorcier déjà puissant au veine marbré de feu bleu. Il l'avait sortie de ce pétrin. Elle n'avait jamais haï les Terrestres pour ce qu'ils lui avaient fait. Probablement parce qu'elle savait que l'inconnu engendre la peur et que la peur engendre la haine. Elle s'était vengé un peu au fil des siècles, grande créatrice d'ouragan et de tornades mortelles. C'était à cause de ces moments là que les Seelies trouvaient qu'elle ressemblait à son père. Et c'était dans les moments où elle épousait un Terrestre ou une autre créature, qu'elle avait des enfants - ou en adoptait - que les Unseelies la trouvait trop ressemblante à  sa mère. Au final elle était un mélange plus ou moins conséquent des deux.

Mais Lui avait toujours été particulier à ses yeux. Le premier à ne pas la considérer comme une anomalie, comme une erreur. Ils s'étaient aimés. S'étaient mariés. Plusieurs fois. Parfois ils se séparaient quelques années, quelques siècles avant de se retrouver. C'était plus fort qu'eux. Il y avait toujours quelque chose pour les attirer l'un vers l'autre où qu'ils se trouvent. Elle l'avait aperçu dans la ruelle l'autre jour, elle avait vu la haine qui brillait dans son regard mais il avait disparu avant qu'elle ne s'approche et elle avait cru rêvé. Mais les arbres ne mentaient pas eux. "Il est revenu ... Il est revenu ..." chuchotaient-ils, pressants, à son oreille. Elle sourit. Il était proche, si proche ... - Gabriel, murmura t-elle. Elle savait que ce n'était plus son prénom. D'ailleurs elle l'avait connu sous d'innombrables prénoms. Aaron, Eliott, Gabriel maintenant Jeremiah. Mais son préféré restait Gabriel parce qu'à ses yeux, il restait son Ange sauveur et protecteur. C'était une autre époque. Un autre temps. Un autre lieu. Elle savait qu'elle viendrait progressivement à l'appeler autrement mais pour le moment il restait son Gabriel. - Ca fait longtemps, reprit-elle en se tournant vers lui, délicate vision dans un monde en ruine.