Elux Δ I always knew you were still one of us

C’est la troisième fois en moins d’une dizaine de minutes. La troisième fois que je dois arrêter mon entraînement pour courir aux toilettes. Vraiment rien de glamour. J’ai l’impression que mes entrailles s’amusent à me torturer. A cette vitesse je vais être tellement faible que le moindre mouvement m’épuisera comme jamais. Mais je suis une battante, je peux faire mieux que ça si bien qu’après avoir arrosé mon visage d’eau fraîche et l’avoir séché, je retourne dans la salle d’entraînements et reprends là où je m’étais arrêtée. J’ignore ce que j’ai. D’aussi loin que remonte ma mémoire, je ne suis jamais tombée malade. Pourtant … pourtant depuis deux ou trois jours je suis incapable de garder ce que j’ai mangé dans mon estomac. Je suis faible, je ne dors quasiment plus et j’ai les nerfs à vif. Je suis persuadée de couver quelque chose mais je n’ai pas la moindre idée de ce que ça peut être. Toujours est-il que ça me déconcentre. Déjà que je ne passe pas assez de temps à m’entraîner et que je perds en agilité et rapidité, je ne peux pas me permettre d’empirer mon cas. Je n’ai jamais été une machine, je n’ai jamais été surhumaine, et pourtant j’ai toujours su m’en sortir. Malgré notre relation, Zack ne m’a jamais épargné. En fait, ça a souvent été le contraire et ce sans doute parce que nous étions ensemble et qu’il attendait toujours plus de moi. Caleb n’est pas plus doux avec moi lors de nos entraînements, mais ces habilités que j’avais autrefois semblent s’évaporer un peu plus chaque jour. Les entrainements nocturnes et secrets - parce que je n’aimerais pas trop qu’on sache que ma neutralité m’intéresse de moins en moins - ne suffisent pas pour me permettre de récupérer ce niveau que j’avais autrefois. Alors si on ajoute mes envies de vomir toutes les cinq minutes, autant dire que je peux déjà baisser les bras. Je ne le fais pas pour autant. Je continue et je continue, utilisant mon arc d’entraînement auquel je suis bien moins habituée que celui dont j’ai hérité.

Mes flèches atteignent assez régulièrement la cible, mais le tremblement de mes bras fait que je n’y arrive pas à chaque fois et je sens l’agacement augmenter en moins. Je me retiens de ne pas jeter l’arme au sol. Casser le matériel me détendra peut-être, seulement ça ne sera que passager et j’aurais l’air maligne avec cet arc cassé en deux et donc inutilisable. Je tente de me concentrer un peu plus, d’occulter le fait que mon estomac me fait monstrueusement mal, que j’ai trop chaud et que je me sens mal. Je regarde uniquement la cible en face de moi. Je me concentre que sur celle-ci, faisant ainsi abstraction de tout ce qui m’entoure. Je tente de ne faire plus qu’un avec l’arc, que celui-ci ne soit que le prolongement de mon bras. J’expire doucement, mon visage tout près de la corde tendue et je relâche. La flèche se plante au plein milieu de la cible et un sourire victorieux étire mes lèvres. « Hey Emma, are you wearing space pants? Cause your ass is out of this world. Une spéciale Lux, spéciale insomnie du soir. » Je manque de faire un bond de dix mètres lorsque la voix de Lux me parvient. Trop concentrée dans le fait de réussir à atteindre le centre de ma cible, je n’ai pas même fait attention à l’arrivée de la jeune femme qui me fait une belle frayeur. « C’est toujours agréable. » Je lâche en levant les yeux au ciel sans pour autant me départir de ce sourire toujours peint sur mes lippes. Je devrais sans doute paniquer de voir qu’elle me prend sur le fait, cependant j’ai confiance en Lux et je sais que tôt ou tard elle aurait compris que je suis en manque. « Et mes fesses sont parfaites. » J’affirme en allant poser mon arc et mon carquois sur une table non loin. Je me tourne ensuite vers la jeune femme. « C’est rassurant de savoir que je ne suis pas la seule à être incapable de dormir même si du coup tu me prends sur le fait. » Je regarde brièvement mes accessoires puis Lux et je grimace ensuite. Je n’ai pas de quoi avoir honte, je suis une néphilim et je suis née pour ça, mais j’ai presque juré que je ne voulais plus être liée à ce monde pour le moment et pourtant je suis là ce soir, à m’entrainer dans le plus grand des secrets pour finalement être prise sur le fait par la cousine de mon ex petit ami officiel et petit ami officieux. Enfin ça pourrait être pire, ça aurait pu être ma mère.

Ca aurait pu être pire. Si une autre personne que Lux m’avait surpris ici-même je n’aurais pas été aussi détendue parce que je n’aurais pas eu la certitude que cette découverte reste secrète. Ce n’est pas que j’ai honte, il n’y a aucune honte à avoir. Je suis née pour être une guerrière, née pour protéger les terrestres, l’entraînement fait parti de mes obligations seulement j’ai fais un choix auquel on s’attend que je me tienne. Enfin peut-être pas jusqu’au bout mais je connais au moins une personne qui tient à ce que je prouve que je suis capable de tenir mes engagements. C’est en partie pour cette raison que je ne tiens pas à ce que qui que ce soit sache pour Zack et moi. Ce n’est pas facile pourtant. J’aimerais porter l’anneau que je porte autour du cou, caché sous mon haut, fièrement et à la vue de tout le monde. J’aimerais crier au monde entier que notre engagement est allé plus loin, qu’à peine remis ensemble nous avons finis par nous fiancer. Mais c’est un secret. Nous sommes arrivés à un seuil critique dans cette guerre où tout est bon pour atteindre son ennemi. Laisser entendre à quel point nous sommes la faiblesse l’un de l’autre n’est clairement pas une bonne idée. Enfin tout cela pour dire que je me dois de m’entraîner dans le dos de tout le monde parce que je me dois de retrouver mon niveau mais aussi parce que ça me manque. L’intervention de Lux m’a certes fait peur mais je me détends immédiatement, même lorsqu’elle critique mes fesses. « Jure moi par contre que tu vas pas le répéter à Zack, je compte pas mourir jeune et belle. » Je caresse du bout des doigts l’arc d’entraînement que je viens à peine de poser sur la table alors que je souris à la jeune femme. « Promis, il serait bien trop triste que tu meurs ainsi. » Dis-je d’un air taquin avant de prononcer ce à quoi je pensais quelques instants plus tôt, soit le fait que je suis bien contente que ce soit elle qui me prenne la main dans la sac plutôt que n’importe quel autre chasseur d’ombres vivant à l’Institut. A ceci, Lux répond qu’elle savait que je ne pourrais pas résister à l’appel de l’arc. Je regarde ce dernier et opine. Bon ce n’est pas l’arc dont j’ai l’habitude mais ça reste un arc et j’ai toujours eu un certain talent inné avec cette arme. Quant au fait de l’entraîner … oui c’est quelque chose que je peux parfaitement faire. « Il le sait. J’ai eu une mésaventure il n’y a pas longtemps en rentrant de l’hôpital et disons qu’on m’a clairement fait comprendre de reprendre mon entraînement, lui compris. » Je grimace. Je déteste reparler de ce fameux soir où je n’aurais pas fais long feu avec ma stèle et ma dague si Ciàran n’était pas venu me sauver les fesses pour la seconde fois. Néanmoins, grâce à ça j’ai pris conscience que je ne peux pas totalement rejeter mon monde et que, surtout, je n’en ai pas envie. « Le milieu de la nuit c’est le seul moment où je sais que la salle sera vide et c’est bien mieux si je veux éviter que tout le monde sache que je suis trop accro. » J’avoue, un large sourire aux lèvres avant que Lux ne me rejoigne. J’ai volontairement passé la question qu’elle m’a posé à propos de Zack sous silence de crainte de sourire comme une idiote et de vendre la mèche. A la place je préfère me concentrer sur son entraînement. Je viens me positionner près d’elle et l’aide à tenir correctement l’arc. « Ce qu’il faut se dire c’est que ce n’est que le prolongement de ton bras et surtout tu dois respirer calmement. C’est nécessaire au début, ensuite ça te viendra naturellement, sans même que tu t’en … » Je m’arrête d’un coup. J’ai de nouveau un haut le coeur, un encore plus terrible que les précédents et je sais par avance que je n’aurais jamais le temps d’aller jusqu’aux toilettes. Pour cette raison je me précipite vers la poubelle et vomis sans la moindre élégance. Je reste quelques instants de plus la tête penchée au-dessus de la corbeille avant de la tourner vers Lux. « Désolée … je crois que j’ai attrapé froid, c’est au moins la cinquième fois en moins d’une demi-heure. » Être malade serait une première. Je ne l’ai jamais été de toute ma vie - sans exagérer - mais là … j’ai l’impression que mon estomac n’a pas envie de garder quoi que ce soit.

Si c’est ça être malade très sincèrement je m’en serais passée pour le restant de ma vie. Pour quelles raisons mon système immunitaire a-t-il décidé de s’affaiblir et ce sans raison ? Et puis pourquoi je ne peux pas me contenter d’un simple rhume ? Peut-être parce que mon corps est sadique et qu’il préfère largement passé à l’étape supérieure et me mettre à l’épreuve. Dieu que j’aimerais rejoindre mon lit, là tout de suite. Seulement je n’ai pas envie de passer à la trappe mon entraînement nocturne. Je me suis trop fait botter les fesses dernièrement pour les négliger même si ma neutralité voudrait que je ne prenne plus part à tout ça. Malheureusement je suis une De Lornet est rien que pour ça, je serais sans cesse poursuivis par les méchants. La présence de Lux me permet toutefois de faire une pause que j’accueille avec plaisir, oui malgré sa petite taquinerie. Mais j’ai l’habitude avec elle et Lux ne serait pas Lux sans ça. « Ça serait un désastre de perdre mes commentaires si utiles si vite quand même. » Un franc rire m’échappe. Oui, un vrai désastre, il n’y pas d’autres mots. Sa bonne humeur viendrait à me manquer trop vite si nous venions à la perdre mais, rapidement, je chasse cette idée de mon esprit. Nous avons tous beaucoup trop perdu avec cette guerre, les pensées noires ne sont pas une bonne idée du tout. Je la regarde pincer la corde de l’arc qu’elle a prit dans ses mains et lève les yeux au ciel. « Si tu t’en sers de cette manière ce n’est pas étonnant que tu ne t’en sorte pas. » Je la taquine avant de lui répondre que Zack sait effectivement que je m’entraine et ce depuis ma mésaventure lorsque j’ai quitté l’hôpital pour renter à l’Institut – mésaventure qui a valu une grosse colère de la part de ma mère. Je l’écoute me dire que si j’ai besoin d’aide elle sera là. J’en doute pas un instant, cette fille est la bonté même et je l’aime que plus. Puis je m’esclaffe à nouveau tandis qu’elle m’avoue que durant son dernier combat en compagnie de Ciaràn ce dernier lui a fait remarquer qu’elle parlait trop. « Je vois parfaitement le genre. Enfin moi ça ne m’a jamais dérangé. » J’affirme dans un petit sourire. Il faut dire que la différence entre Ciaràn et moi c’est que je connais Lux depuis toujours, que j’ai grandi avec elle et que, par conséquent, je la connais très bien. « Tu es au courant qu’un lit est de meilleur compagnie qu’un arc et une cible à cette heure si avancée ? Si t’étais pas là, je serais entrain de dévaliser une nouvelle fois le frigo pour manger tous les soirs. Tu étais plus sweet que de la glace. » Je lève les yeux au ciel sans pour autant être vexée par ses paroles. Comment le pourrais-je alors que je sais qu’elle continue simplement de me taquiner. « Je ne retiens pas tu sais. » J’affirme, un grand sourire aux lèvres. « Mais ça serait passer à côté d’un super cours. » Je lance en secouant vivement la tête. Je viens ensuite l’aider à tenir correctement l’arc qu’elle a entre ses mains, lui donnant un conseil lorsqu’une énième nausée me force à courir attraper la poubelle un peu plus loin. « C’est surement ça enfin qu’elle serait les probabilités que tu sois autre chose que malade, ce n’est pas comme si tu étais enceinte, non ? » Je blêmis à l’entente du mot enceinte. Aussitôt, je me mets à faire des calculs et je sais que je deviens encore plus pâle que je ne peux déjà l’être. Oh merde … OH MERDE ! La panique m’envahit et je me rattrape de justesse à la table près de laquelle se trouvait la poubelle. Mes jambes se mettent à trembler. Oh merde … qu’est-ce qu’on a fait ?